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Le Judo ou la « voie de la souplesse »

Qui ne s’est pas essayé au moins une fois au judo et, surtout, qui n’en a jamais entendu parler ? Presque personne, pourrait-on affirmer.

Du dessin animé Judo Boy en passant par les retransmissions des plus grands championnats, des initiations faites dans les écoles sans oublier quelques scènes de bagarre dans de vieux nanars, le judo est (presque) partout.


Pourtant, comme tant d’autres arts martiaux, le judo demeure finalement assez méconnu du grand public. Le moment est donc venu d’en apprendre un peu plus…

S’il est un art martial pratiqué de longue date en France, c’est bien le judo ! En effet, il ne s’agit pas d’un nouveau venu puisque dès le tout début du XXe siècle, à l’instigation du préfet LÉPINE, policiers et militaires commençaient déjà à s’intéresser au brise rein nippon, un engouement cependant stoppé net par la 1re Guerre Mondiale.

C’est au tournant des années 1930 qu’une poignée de scientifiques, fascinés par cet art « exotique », prirent en mains le destin de la discipline, l’organisèrent et la développèrent en France. C’était le début de l’essor du judo français.

Désormais La voie de la souplesse, puisque telle est la signification du judo, compte parmi les sports les plus pratiqués dans l’Hexagone avec environ 600 000 licenciés à la FFJDA(1), pratiquement un dojo(2) dans chaque commune et une kyrielle de champions multi médaillés, allant, pour les plus connus, de l’homme de télé Thierry REY ( et ex-mari de la fille du président Jacques CHIRAC) à l’ancien ministre David DOUILLET tout en n’omettant pas le très impressionnant Teddy RINER. Leur point commun : tous ont été champions olympiques(3).

Quelques principes techniques de Judo

Dès l’origine, le fondateur du judo et pionnier du système éducatif japonais, Jigoro KANO (1860- 1938), a développé le concept d’un effort minimal pour une efficacité maximale, principe qui repose sur une utilisation rationnelle des mécanismes du corps humain et des déplacements.

L’idée maîtresse : jouer sur les déséquilibres via les notions de levier et de transfert de masse. Bref, en simplifiant, le judo peut être considéré comme étant la science des projections et des chutes.

Le judo s’apparente à une forme de lutte qui consiste à saisir, tirer, pousser, tourner… afin de placer de manière adéquate une technique de balayage ou de projection pour mettre son adversaire à terre. Le combat peut ensuite se poursuivre au sol avec l’utilisation de techniques de soumission : clés articulaires ou étranglements (mais seules quelques-unes d’entre elles sont autorisées en compétition).

Le judo sportif, comme toute activité compétitive, est régi par des règles qui autorisent ou au contraire qui proscrivent l’utilisation de certaines techniques. Les plus dangereuses d’entre elles ont été écartées dès le départ par Jigoro KANO qui a souhaité que les tournois se passent de la manière la plus sécurisée possible pour les combattants.

De fait, en compétition, les judokas ne recherchent pas à mettre leur adversaire hors combat, mais simplement à marquer le plus grand nombre de points pour remporter la victoire. Le KO symbolique est matérialisé par le fameux ippon, à savoir une action par laquelle l’adversaire est projeté et dont les deux épaules entrent en contact avec le sol. Le ippon entraîne une victoire immédiate.

L’arsenal du judoka

La préparation à la compétition, notamment chez les enfants et les jeunes, occupe une place importante en judo, et de fait la l’entraînement au combat est un incontournable : préparation physique, assauts souples, répétitions de techniques, quelques soupçons de tactique sportive…

Pour autant, l’étude technique est très riche, à commencer par les sacro-saintes projections qui se décomposent en mouvements de bras, de hanches, de jambes ainsi que de sacrifice (comme la célèbre « planchette japonaise »).

Outre ces dernières, principalement utilisées en compétition, le judo comprend un arsenal beaucoup plus vaste composé d’immobilisations, de clés articulaires et d’étranglements.

L’apprentissage de certains coups frappés sur les points sensibles du corps avec les membres supérieurs et inférieurs, les atemis, est également au programme; le tout constituant un bagage fort utile en matière de self-défense.

L’enseignement est complété par l’étude de katas, des formes codifiées pratiquées à deux qui reprennent les techniques fondamentales et sont une représentation symbolique d’un combat.

Répertoire des mouvements et principes du judo, les katas sont aussi un exercice de concentration et de contrôle ainsi qu’un outil pédagogique visant à travailler la mémorisation et la coordination des mouvements. Ils revêtent enfin un caractère esthétique et de maîtrise de soi par la recherche du geste parfait.

Les vertus du judo

L’intérêt premier du judo, c’est sans doute l’apprentissage des chutes : savoir rouler, tomber, chuter… sans se blesser, c’est apprendre à maîtriser son corps, son environnement (en l’occurrence le sol) et sa peur.

La voie de la souplesse porte ici particulièrement bien son nom puisqu’en épousant le principe de fluidité qui est au cœur du judo, le judoka découvre comment ne pas opposer de résistance inutile face à un adversaire ou contre un tatami(4)et plus largement face à tout obstacle.

Travailler en rondeur et avec souplesse plutôt qu’en force et avec rigidité, c’est saisir l’essence même du judo. Illustration de ce principe, les randoris ou assauts souples permettent aux élèves de s’affronter sans agressivité excessive ni esprit de victoire. Pas trop de blocage, juste ce qu’il faut de résistance, d’énergie et de combattivité pour transpirer et progresser.

La judicieuse utilisation de sa propre force et de celle de l’adversaire, c’est savoir préserver ses ressources. Le déséquilibre recherché dans la projection implique de développer un sens aigu de l’observation, la capacité à saisir les moments opportuns ou à les provoquer. C’est à la fois une école de la patience et de l’audace.

Du tatami au monde de l’entreprise

Depuis des décennies, la science du judo inspire avec plus ou moins de bonheur les managers de tous poils, tantôt pour contrer la concurrence et conquérir de nouveaux marchés, tantôt pour tenter de gérer au mieux les ressources humaines et les conflits au travail…

Si, comme dans tous les domaines, l’excès de recours à des méthodes supposées miraculeuses, car teintées d’une pointe de mystère et d’exotisme est nécessairement vouée à l’échec, il n’en demeure pas moins vrai que le judo peut apporter quelques clés utiles aux chefs d’entreprise, décideurs politiques, artistes, créateurs et autres quidams. Mais de quelle manière ?

Nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, la stratégie du judo peut se décliner en trois axes : le mouvement, le déséquilibre et l’effet de levier, le tout intégré selon le principe d’une utilisation raisonnée de sa force et de celle de son adversaire.

Ces notions, bien comprises et dûment expérimentées à l’entraînement, permettent une certaine transposition dans la sphère professionnelle : lors de la négociation d’un contrat, pendant un conflit d’entreprise, pour emporter l’adhésion d’un auditoire…

Savoir écouter les arguments de la partie adverse, les exploiter et les retourner contre elle, observer ses manœuvres, la pousser au faux pas, user de nos propres ressources tout en dissimulant nos difficultés (ou en les exposant comme des leurres)… voilà autant de points susceptibles de constituer un véritable avantage comparatif.

Toutefois, le judo à lui seul ne peut rien, il est donc nécessaire au préalable de maîtriser parfaitement son propre domaine d’activité. Alors, moyennant un petit effort d’adaptation, les tactiques du judo trouveront à s’appliquer à des champs extrêmement divers.

Pour terminer, il convient de réaliser que la simple mémorisation de principes théoriques n’est pas suffisante en soi. Chaque science, chaque métier, chaque méthode repose sur quelques préalables incontournables : la connaissance certes, la compréhension évidemment, mais également, on aurait tendance à le négliger, l’expérimentation.

Le judo, tous les arts martiaux et d’une manière générale toutes les activités corporelles – et sûrement plus que toutes les autres activités humaines – impliquent une démarche essentielle : la pratique. Les arts martiaux, et notamment le judo, ne peuvent être profitables, et avec eux leur dimension morale, leur éthique, leur philosophie, leur stratégie, que s’ils sont un tant soit peu pratiqués.

Il faut ressentir dans sa chair et dans son âme, face à l’adversaire, l’âpreté du combat et la rugosité de la technique pour être en mesure de redéployer cet apprentissage au bureau, à l’atelier, en cuisine et dans la vie de tous les jours.

Judo : pour aller plus loin

un article : Thierry Marx, chef ceinture noire  : un témoignage du grand chef, de sa passion du judo et de la manière dont cet art martial l’a aidé dans sa carrière;

un livre : Jigoro Kano, père du Judo par Michel MAZAC chez Budo Editions (2006) qui permet de comprendre le parcours du fondateur du judo, ses ambitions et l’esprit humaniste qu’il a voulu y insuffler;

un film : La légende du grand judo (1943) d’Akira KUROSAWA, un chef-d’œuvre du genre qui évoque la relation maître-disciple, la victoire et ses revers… Un classique !

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Pour Bouge ton Q
Éric LE CAM
Coauteur de Les Arts Martiaux Pour Les Nuls
www.parishapkido.fr – www.mudoculture.fr

Notes
1 Fédération Française de Judo et Disciplines Associées
2 Dojo : désigne la salle d’entraînement destinée aux arts martiaux japonais
3 Thierry REY : médaille d’or aux JO de Moscou (1980), David DOUILLET : médailles d’or aux JO d’Atlanta (1996 et de Sydney (2000), Teddy RINER : médaille d’or aux JO de Londres (2012)
4 Tapis épais sur lequel est pratiqué le judo et tous les arts martiaux qui supposent des chutes et des projections

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