Lorsque j’étais en dernière année de collège dans un établissement du 93, on m’a envoyé voir ce qu’on appelait alors le « conseiller d’orientation ». Mes parents étant trop occupés à coudre des jeans, j’y suis allé sans aucune idée en tête et surtout sans aucune ambition.
Vous pensez qu’il m’aurait parlé de faire Science-Po ou de tenter une grande école ? Je crois que le conseiller lui-même ne savait pas ce que c’était !
Et un an plus tard, j’étais dans un lycée technique, vêtu d’une blouse bleue en train d’apprendre à manier la fraiseuse…
Cette expérience m’a rendu méfiant. Et par la suite, j’ai cherché à viser le plus haut possible dans la limite de mes capacités.
Si je n’avais pas su dire non à plusieurs moments précis de mon parcours scolaire, je serais encore en train d’usiner des pièces ou plus probablement, j’aurais regardé mon usine fermer ses portes.
Quand j’ai lu l’article de Seth Godin sur les espérances trop basses, j’ai reconnu cette machine à broyer toute forme d’ambition que forme notre société.
C’est pour cette raison que j’ai tenu à traduire cet article avec l’aimable autorisation de l’auteur.
L’article qui suit est une traduction de l’article « The tragedy of small expectations (and the trap of false dreams) » de Seth Godin. C’est donc lui qui s’exprime dans cet article.
Demandez à une centaine d’étudiants de la Harvard Business School s’ils s’attendent à trouver un bon travail à la fin de leurs études, et tous vous répondront « oui ».
Demandez à une fille de 10 ans si elle pense avoir une chance de faire carrière comme mathématicienne, et il y a des chances qu’elle soit déjà formatée pour vous répondre « non ».
Nos espérances ne sont pas des garanties, mais avoir des espérances nous offre une chance de faire « comme si », de mettre ce qu’il faut pour préparer l’avenir, de travailler dur et de visualiser le succès sur le chemin de la réussite.
Les espérances fonctionnent pour deux raisons.
Premièrement, elles nous donnent l’enthousiasme et la confiance nécessaire pour travailler dur.
Deuxièmement, comme un effet Placebo, elle changent subtilement notre attitude, et nous donnent la force et le courage d’affronter les moments difficiles.
En fin de compte, elles nous donnent l’énergie pour persister.
Quand les media, les pouvoirs en place, notre société disent « les gens comme vous ne devraient pas espérer une vie comme celle-ci ou comme celle-là », il s’agit d’un vol.
C’est voler à des gens capables de faire mieux, c’est se voler soi-même.
Comment notre société (c’est à dire : nous) peut-elle dire « nous ne croyons pas que vous puisssiez faire des hautes études, nous ne pensons pas que vous puissiez devenir quelqu’un, nous ne pensons pas que vous puissiez faire quelque chose d’important » ?
Quand des gens doivent abandonner leurs passions et leurs efforts pour un semblant de confort et baisser leurs espérances, nous y perdons tous.
Et à contrario quand ils abandonnent leurs espérances réalistes au profit de rêves de grandeur et véritablement irréalistes, nous y perdons aussi.
Les rêves à la Disney sont comme une forme de cachette, car le prince charmant n’est pas prêt de venir.
Les espérances ne sont pas des gages de réussite. La pensée positive ne garantit aucun résultat, mais elle offre plus que la pensée négative et le défaitisme.
Les espérances qui ne rentrent pas dans le champ du possible ne sont que des illusions. Et les espérances trop basses sont du gâchis.
Nous avons besoin d’enseignants, de dirigeants et d’alliés pour nous aider à creuser plus profondément et découvrir ce qui est possible afin de pouvoir le réaliser.
Les espérances ne sont pas de simples souhaits. Elles sont les composantes d’une simple équation : travail + effort + entraide = résultats.
C’est le fruit d’une conscience réaliste de ce qui est possible, combinée à une communauté partageant votre vision.
Il est facile de manipuler le langage des espérances et de laisser croire que c’est à chacun de se débrouiller tout seul et de trouver sa voie.
Mais les espérances sont contagieuses. Les espérances viennent de notre culture.
Et plus que tout, les espérances reposent sur le soutien, un soutien sans faille et généreux pour créer un environnement propice à la réussite.
Partout autour de nous, il y a des limites, des stéréotypes, des terrains de jeu inégaux et des difficultés structurelles là où l’on devrait trouver du soutien.
Silencieusement et surement, ces injustices rongent le cerveau des gens et affectent leur perception de ce qui est possible.
Le miroir que nous tendons aux gens autour de nous est le reflet le plus important qu’elle pourra voir.
Si nous pouvons juste aider une personne à ne pas accepter ses fausses limites, nous aurons fait notre BA.
Si nous pouvons donner les connaissances, les outils et l’accès dont ils ont besoin pour atteindre leurs objectifs, nous aurons apporté notre pierre à l’édifice.
Et si nous pouvons aider à effacer ces légendes, traditions et pratiques qui poussent des groupes entiers de gens à viser trop bas, nous aurons changé le monde.
Introduction et traduction de Hong.