Des temps les plus reculés que l’on imagine sanguinaires et sans lois, à l’époque contemporaine où l’on déplore incivilités et violences en tous genres, la nécessité de se défendre et de défendre ses proches reste, peu ou prou, présente dans les esprits.
Sans doute cela renvoie-t-il à nos instincts les plus primitifs, au rang desquels la préservation – de soi, du clan, de ses biens…- figure évidemment en bonne place.
Qu’elle ait pour nom self-défense, défense personnelle ou encore autodéfense, la méthode consistant à se protéger et à riposter par ses seuls moyens s’appuie sur des concepts simples, pratiques et si possible efficaces.
En l’espèce, il s’agit de l’utilisation rationnelle de toutes les armes du corps humain (pieds, poings, coudes, genoux…), mais aussi de tout ce qui se trouve dans son environnement immédiat (ceinture, stylo, chaise…) afin de faire face à une agression physique caractérisée et grave.
L’idée est basique : être en mesure de dissuader l’agresseur de commencer ou de continuer son attaque, voire de le neutraliser.
Quelques principes élémentaires de self-défense
Comme pour toute discipline physique, il y a immanquablement une phase d’apprentissage technique : comment délivrer avec puissance et rapidité un coup de pied ou de poing, savoir parer une attaque, comprendre les déplacements, réaliser une clé articulaire…
Sans négliger également un minimum de travail de la condition physique : endurance, force et souplesse.
À cette composante technique et physique, il convient d’ajouter l’apprentissage de notions élémentaires de psychologie et de gestion du stress avec un brin de sens tactique.
En effet, les principes de base des techniques de self-défense peuvent s’acquérir au bout de quelques semaines, moyennant un entraînement régulier et intensif. Mais ce qui est essentiel, c’est de développer la capacité à anticiper une agression, ce qui passe par l’observation de plusieurs points :
- l’environnement : lieu isolé, sombre, sans issue de secours, terrain glissant ou escarpé, endroits où se replier (café, poste de police, magasin…) ;
- la foule : repérer les individus agressifs, drogués, alcoolisés ainsi que les mouvements de foule (manifestation, fêtes…) ;
- sa propre condition : seul ou accompagné, dans une tenue permettant de faire des mouvements amples ou au contraire dans des vêtements serrés, en forme ou fatigué…
Lorsque les premiers signes de l’agression surviennent, il faut alors déclencher tout un processus, même inconscient, de « gestion de crise » pour se préparer à l’affrontement, fut-il verbal :
– position du corps : buste de ¾ face à l’agresseur pour protéger les points vitaux, mais aussi être prêt à partir en courant ;
– position des bras : bras fléchis vers l’agresseur, mains ouvertes tournées vers l’extérieur en signe d’apaisement, ce qui est aussi un moyen de garder une distance de sécurité et de se protéger si un coup survient;
– ton de la voix : ferme, mais ouvert au dialogue, bannir les insultes, essayer de parlementer tout en trouvant un moyen de se mettre dans une zone sécurisée ;
– mentalement : réfléchir rapidement à une sortie de crise, envisager les différents cas de figure possibles et préparer le risque d’un affrontement.
Le mental, une arme essentielle
Si les coups commencent à pleuvoir, si l’agresseur vous saisit aux vêtements ou au corps, il est alors temps d’entamer la phase des hostilités. Tout en protégeant les points sensibles du corps (tête, cou, parties, foie…), il faut parer, esquiver, frapper, projeter et surtout courir !
C’est la phase proprement technique, simple dans son principe, mais délicate dans sa mise œuvre compte tenu de la peur et de l’effet de surprise. Cette phase technique est indissociable du mental, force déterminante qui permet de prendre l’ascendant lors de l’affrontement, si ce n’est sur l’agresseur, au moins sur sa propre peur.
On le saisit aisément, il n’existe pas de méthode clé en main permettant de se défaire d’un ou plusieurs agresseurs. Mais anticiper et réfléchir à d’éventuels risques pouvant survenir soudainement permet, en quelque sorte, de préparer le terrain psychique et donc peut être d’être capable d’apporter la réponse appropriée le jour J : riposte, répartie, fuite…
Par delà le travail physique et technique, c’est bien la préparation mentale qui est essentielle en matière de self-défense. Se conditionner physiquement et mentalement, c’est déjà avoir entravé un tout petit peu une potentielle agression. C’est avoir apprivoisé la peur, non pour qu’elle tétanise, mais pour qu’au contraire elle soit bonne conseillère.
Les femmes face aux agressions
Hommes et femmes sont concernés par les agressions, qu’elles soient physiques ou verbales, mais évidemment, chacun n’y est pas exposé de la même manière selon son âge, sa condition sociale, son lieu de vie ou de travail.
Une étude de l’INSEE, Des insultes aux coups : hommes et femmes inégaux face à la violence, nous apprend ainsi que ce sont les hommes jeunes qui sont les plus exposés à la violence physique alors que les femmes seraient d’abord victimes d’insultes.
Pour autant, une autre étude de l’INSEE, Les violences faites aux femmes, souligne le fait qu’être une femme expose davantage à toutes les formes de violence et qu’au quotidien, le sentiment d’insécurité est plus fort chez les femmes.
Alors, faut-il céder à la paranoïa ? Certes non ! Y aurait-il une méthode de self-défense spécifique pour la gent féminine ? Pas sûr… La self-défense, c’est l’art de s’adapter à une situation par nature inconnue et multiforme, que l’on soit un homme ou une femme.
Par conséquent, la « self-défense féminine » sonne un peu comme une escroquerie… Tout le monde peut apprendre la self-défense avec un professeur digne de ce nom et selon ses besoins et ses aptitudes, chacun pourra piocher ce dont il a besoin dans un (bon) cours de self-défense. Pas besoin de self-défense féminine pour cela.
La touche de féminité, si l’on peut dire, en matière de self-défense consisterait sans doute à renforcer la confiance en soi. Les hommes en ont tout autant besoin, mais comme nous l’avons vu supra, plus exposées, nombre de femmes nourrissent un sentiment fort et tenace vis-à-vis de l’insécurité réelle ou supposée.
Or, la qualité première de la self-défense est justement de pouvoir acquérir une plus grande confiance en soi, voire une meilleure estime de soi. Attention, il ne s’agit pas d’affirmer que l’apprentissage de trois coups de pied, deux projections et quatre clés de bras vous permettront d’être plus fortes (ou plus forts).
Il ne faudrait pas non plus que cela conduise à surestimer ses capacités et se croire hors de danger en cas d’agression.
Redonner leur confiance aux femmes
Simplement, par un apprentissage méthodique et réfléchi, la self-défense permet d’identifier les vrais dangers de la rue, de les prévoir, de les contourner et si nécessaire de les affronter.
Cela ne prédit en aucune manière l’issue du combat, mais permet à chaque femme de se dire qu’elle détient en elle les moyens de faire face et qu’elle n’est pas uniquement condamnée à subir. C’est ici, nous semble-t-il, un point sur lequel il convient d’insister : faire prendre conscience aux femmes qu’il n’existe pas de fatalité de l’agression.
Perçues dans l’imaginaire collectif comme faibles et dans l’incapacité de se défendre, les femmes sont considérées à tort comme des proies faciles. Cela ne tient pas tant à d’éventuelles capacités physiques qu’aux représentations mentales inscrites dans la tête des hommes et des femmes.
Briser ce cliché, faire en sorte que les femmes se sachent en mesure de faire face et que les hommes le réalisent, ce serait déjà mettre un frein considérable aux violences faites aux femmes. Les hommes ne se sentant plus aussi sûrs d’eux, ils hésiteraient à passer à l’assaut. De là à parler d’égalité des sexes…
Les mots douteux et les gestes déplacés continueront sans doute encore longtemps, de même que les humiliations et les violences conjugales. Toutefois, pour les femmes qui s’essaient à la self-défense, on peut penser qu’elles ont déjà fait un geste fort qui entrave cette violence, elles ne sont plus dans la posture de la victime.
Elles donnent un signal, imperceptible, mais présent : elles disent non ! Non à l’agression, non aux insultes, non à la discrimination. Rassurées dans leur tête et dans leur corps, elles dégagent une force tranquille… apaisante !
La self-défense : c’est aussi un loisir
Les vertus de la self-défense sont nombreuses, certaines ont déjà été mentionnées : plus grande confiance en soi, méthode efficace de lutte contre le stress…
Et, si la self-défense permet un jour de se défendre tant bien que mal, c’est aussi une activité ludique qui offre l’occasion de se défouler, de transpirer et de rester en forme. Ne l’oublions pas, c’est aussi un sport !
Que choisir ? Il faut le savoir, tous les arts martiaux (karaté, judo, taekwondo, aïkido…) et tous les sports de combat (boxe anglaise, française, full contact, grappling…) abordent plus ou moins l’étude de la self-défense et fournissent de solides compétences pour se préparer au combat.
Toutefois certaines disciplines ou certains clubs insistent davantage sur le côté pratique et réaliste. On peut citer le kravmaga, le jujitsu, le taïjitsu, le combat russe…
Le mieux reste encore de faire un tour sur internet puis d’aller voir le club le plus proche de chez vous. Le bon sens doit vous guider et si vous tombez sur un enseignant qui vous promet l’invincibilité en dix leçons, fuyez !
L’ambiance doit être conviviale, le travail sérieux et méthodique, le discours adapté et nuancé, car répétons-le, aucune méthode ne vous garantit de sortir indemne d’une altercation.
Pour aller plus loin
un livre : Stress et défense personnelle par Raymond H. A. CARTER et Yves LE MÉE aux éditions Chiron (2006). L’ouvrage propose, outre quelques techniques élémentaires de self-défense, un éclairage sur la gestion du stress, la nature des agressions et la préparation à l’affrontement. Une bonne mise en perspective avant de passer à l’entraînement.
un article : Arts martiaux & légitime défense – connaître les principes généraux de la légitime défense pour agir dans les limites fixées par le cadre de la loi.
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